L’École est une institution de la République
Référence : « L’Ėcole » de Henri PENA-RUIZ, Dominos Flammarion
Rappel étymologique : école vient du grec « skholé » qui signifie loisir, au sens de libre activité. C’est une période et un lieu offerts à l’enfant, hors contrainte économique et sociale, pour lui permettre de devenir tout ce qu’il peut être.
C’est une conquête sociale et non une donnée allant de soi. L’Ėcole n’existe que par la volonté politique qui l’institue et qui doit la réinstituer continuellement contre les tendances de la société civile à l’assujettir à ses demandes immédiates.
Au départ c’est la famille, la tribu, qui assure ce rôle, mais avec un déterminisme et une reproduction qui ne libère pas toutes les potentialités de l’enfant.
L’Ėcole est plus exigeante : elle est rupture émancipatrice, déliaison radicale par rapport aux déterminismes sociaux. L’Ėcole est fille de l’humanisme et de la culture. L’enfance, affranchie de ses origines, du hasard de la naissance et de la fortune, devient l’enjeu d’une institution publique.
L’École, dans cette perspective, est bien une institution de la République.
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Ni servante à court terme de l’économie, ni appareil idéologique de la classe dominante, l’Ėcole républicaine doit, en permanence se conquérir contre ces deux dérives.
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Ėducation à la liberté et non conditionnement idéologique aux préjugés de l’heure, cet idéal est en contradiction avec toute société qui tend en permanence à se reproduire à elle-même.
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Cette éducation, fondée sur une instruction libératrice et une vie accomplie demande le maintien d’un niveau d’exigence pour que tous les enfants d’une démocratie puissent en profiter.
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C’est bien une certaine idée de l’homme, conçue comme un idéal porteur d’exigences et d’accomplissements qui est en jeu dans cette institution de l’Ėcole.
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Montesquieu fait remarquer que la République a besoin de « toute la puissance de l’éducation ». Elle n’existe ni par la crainte (dictature) ni par l’honneur (monarchie).
Constitution de 1946 : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation et à la culture ; l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l’Ėtat »
L’école est obligatoire : elle oblige l’élève, les parents, la société.
Cet idéal scolaire est exprimé par de nombreux philosophes, dans le cadre général de l’émancipation humaine :
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COMENIUS dans la « PampaideÏa (1650) »
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ROUSSEAU dans « L’Ėmile (1762) »
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CONDORCET dans ses « Mémoires pour l’instruction publique (1792-1793) » : « l’instruction publique est un devoir de la société à l’égard des citoyens »
Les fins de l’Ėcole
Gaston BACHELARD rêvait d’une société faite pour l’École et non d’une École faite pour la société. Mais la société est-elle prête à reconnaître cette finalité et cette autonomie à l’École ?
Pour cela il faut que la société arrête de dénigrer son École et de lui demander ce qu’elle ne peut pas faire, par exemple abolir les inégalités sociales, économique ou politiques.
C’est une société qui reconnaît que l’humanité de l’homme ne se réduit pas au « producteur-consommateur », que la culture n’est pas un ensemble de savoirs et de savoir-faire directement opérationnel et rentables.
L’École de la République est fille de l’humanisme et de l’idéal des LUMIERES.
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L’homme, le citoyen, le travailleur, s’accomplissent ensemble et non de façon inversement proportionnelle.
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La relégation de la culture générale apparaît comme de l’aveuglement et de l’obscurantisme.
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L’utilitarisme est l’antichambre de l’ennui, de l’oubli de soi, de la perte du sens de la vie dans un productivisme sans fin.
Culture universelle et particularismes culturels
C’est parce qu’elle ne donne pas sur le monde ambiant immédiat, sur le tumulte des puissances de l’heure, que l’école peut s’ouvrir sur la culture universelle, à savoir l’idée d’un monde commun à tous les hommes par-delà leurs différences en développant un enseignement soucieux de raison et de vérité qui permet de transcender les particularités d’un environnement ou d’une « vision du monde » idéologiquement déterminés.
Il faut savoir distinguer la culture comme distance critique à l’égard des préjugés de l’heure et du lieu de la culture comme simple reprise des coutumes et des représentations particulières du monde ambiant et proche.
La pensée, selon PLATON, a plutôt des ailes que des racines.
L’école publique n’est pas la place publique.
Ce n’est pas un sanctuaire isolé de la société, mais elle doit être protégée de l’emprise des groupes de pression et des troubles sociaux. Presque tous les élèves sont mineurs et donc plus vulnérables que les adultes de la société civile. La laïcité scolaire consiste à préserver les conditions de la liberté et de l’indépendance des futurs citoyens, en tenant à l’écart les obédiences confessionnelles et idéologiques.
Dans cette perspective, les élèves doivent apprendre à discerner ce qui, en eux même, relève de la croyance et ce qui est de l’ordre de la connaissance. Cette lucidité est essentielle pour la tolérance car elle permet d’identifier ce qui peut avoir valeur universelle de ce qui reste lié à la particularité d’un individu ou d’un groupe. Cette conscience critique résulte d’une instruction fondée sur la raison.
Toutes les idées ne se valent pas. L’école laïque ne peut désarmer le jugement critique au nom d’un relativisme hâtivement confondu avec la liberté ou l’égalité (critique d’un éloge sommaire de la différence).
L’école hérite de toutes les conquêtes de l’esprit de liberté.
Sciences, poésie, roman, philosophie, peinture sont enseignés, délivrés des censures des esprits cléricaux, par l’étude des auteurs, des savants, des artistes qui témoignent de l’universalité de l’esprit humain. Une œuvre classique n’est pas ancienne, elle est toujours d’actualité car elle porte un message qui parle à tous les hommes de tous les pays et de toutes les cultures.
Une telle ouverture intellectuelle inclut la connaissance du phénomène religieux, des traces qu’il a laissé dans la culture et dans l’histoire, mais aussi des idéaux politiques de justice et de conséquences historiques induites.
Par exemple le christianisme c’est le message de justice et d’amour des évangiles, la splendeur intemporelle les cathédrales mais aussi les croisades, l’inquisition, les guerres de religion…dans un rapport équilibré entre les idéaux religieux ou politique et les réalités de l’histoire.
La neutralité laïque est alors la simple honnêteté intellectuelle.
L’autre modèle : « l’école néolibérale »
Celle du marché mondial généralisé à toutes les activités humaines.
Référence : Christian LAVAL, chercheur à l’institut de recherche de la FSU, auteur de « l’école n’est pas une entreprise »
Modèle préconisé par la banque mondiale, par l’OMC, par l’OCDE et l’Union européenne. Pour ce modèle la connaissance n’a de valeur qu’économique, selon le double aspect d’une « ressource humaine » à l’usage des entreprises et d’un « capital humain » incorporé dans les individus. L’éducation devient une marchandise, la connaissance est réduite à sa valeur d’échange.
De ce fait, les institutions scolaires sont sommées d’obéir aux nécessités économiques. L’école n’est alors plus une « institution » de la société, mais une « organisation » soumise à l’unique finalité de la production de biens. L’activité scolaire est alors une « offre de formation » qui doit satisfaire à deux marchés simultanés : celui des individus qui demandent des formations professionnellement rentables et celui des entreprises qui demandent des compétence directement utilisables.
La précarité, la pauvreté, le chômage font de l’éducation une nécessité, d’où une forte demande des individus pour se protéger socialement et économiquement. L’école néolibérale devient alors une « évidence » dans l’économie de marché. La formation est une ressource individuelle qui permet de se différentier des autres dans une compétition permanente. L’individu est piégé par la logique de cette situation dont il est à la fois complice et victime.
Les systèmes éducatifs doivent se réformer pour s’adapter à « l’employabilité » des individus et à la « compétitivité » des entreprises par la mise en concurrence des établissements, le recours au financement privé, le consumérisme des familles, la gestion « entrepreneuriale ». Les « meilleurs établissements » deviennent alors les plus chers pour le consommateur et les plus richement dotés par les banques ou les entreprises. Cette concurrence entre établissement conduit à la ségrégation sociale. Ceux qui ont les moyens vont dans les « meilleures écoles ». Les autres vont dans des écoles pauvres. Or l’absence de mixité sociale est particulièrement néfaste aux progrès scolaires des élèves des milieux les plus défavorisés. La logique néolibérale de la concurrence est suicidaire pour la construction des liens sociaux.
A ce jour le débat reste vif entre ces conceptions de l’école, sans parler des querelles pédagogiques, attisées par les médias et instrumentalisées par les politiques.
Le débat reste ouvert. Mais sachons défendre notre école républicaine et laïque
JG
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