Feuilleton Laïcité (2)
Laïcité et République (JG)
La monarchie française se veut de droit divin : le roi est lieutenant de Dieu sur terre. La Révolution Française met fin à une monarchie de droit divin, et à l’ordre considéré comme voulu par Dieu : à partir de cette date, la France ne se perçoit plus comme « la fille ainée de l’Eglise ». Cette « fille ainée » se bat pour se séparer de sa mère l’Eglise.
Quelques moments importants de cette séparation :
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1789 : Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, article 10 : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »
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1882 : lois scolaires sur l’enseignement primaire : création de l’école publique, laïque et gratuite et de l’instruction obligatoire (qui peut être privée) de 6 à 13 ans.
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1886 : organisation de l’enseignement primaire
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1905 loi du 9 décembre : séparation des églises et de l’État. article premier : « La république assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules réserves des restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »
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1907 : exercice public des cultes.
Quelques exemples de laïcisation voulus par la République
(plus de détails dans l’épisode « laïcisation et sécularisation »)
Le divorce, un temps supprimé en 1816, est rétabli en 1884. La liberté des funérailles est instaurée par une loi de 1887. En 1889, le Parlement décide de soumettre les séminaristes à un service militaire de un an. Dans un cadre plus local, les conseils municipaux prolongent l’application de la législation nationale en contribuant à la création d’écoles publiques et en organisant le remplacement progressif des religieuses par des infirmières laïques au sein des hôpitaux. Dans le même temps, la liberté des cultes est réaffirmée, mais avec un statut qui ne devait plus la doter de privilèges ou de contraintes supérieures à celles des autres convictions. C’est ce souci de mise en place d’un droit commun des modes d’expression collectifs des convictions qui devait conduire à l’adoption de la loi de 1901 organisant la liberté d’association et définissant le régime des congrégations, désormais soumises à autorisation.
Séparation des églises et de l’Etat
Mais qu’est-ce que la République ?
La cité (PLATON) est un concept parfaitement idéal. C’est une construction politique qui requiert des citoyens authentiques, capables de penser par eux même et affranchis des limites que la division sociale du travail tend à leur imposer.
Pour CICERON, la politique et la morale sont liés dans la République. La République est « l’autre régime » qui s’oppose à la monarchie et à tous les absolutismes.
Pour ROUSSEAU (contrat social) la souveraineté du peuple, exprimée par la loi est l’essence même de la République. Pour KANT, la constitution civile de chaque état doit être républicaine. La République est idéale, la démocratie en est l’application pratique, avec tous ses défauts. La République veut le « bonheur commun » par la reconnaissance de DROITS sociaux : santé, éducation…
La république républicaine
(FERRY, GAMBETTA, JAURES…)
La République correspond d’abord à la souveraineté du peuple qui légitime son pouvoir de sa volonté même (le contrat social), contrairement à la monarchie absolue dont la légitimité vient de Dieu (sacre de Reims). La république est issue de la pensée humaniste et de la philosophie des lumières : l’homme est responsable de son propre destin, la pensée rationnelle permet le progrès de la société. Elle est humaniste, rationaliste, voire positiviste. Elle apparaît au moment du « crépuscule des dieux ».
La République protège les libertés publiques : liberté de conscience, liberté de la presse, liberté de circulation, liberté d’association et surtout la « liberté-participation » qui permet à chaque citoyen, par le suffrage universel, de prendre part à l’exercice du pouvoir.
La République se veut un idéal intemporel qui porte des valeurs normatives. L’idée de République et l’idée du droit viennent des mêmes exigences : le « contrat originaire » et la « volonté générale ». « L’homme pensant se sait libre et il veut que sa liberté soit reconnue dans les institutions politiques ».
le lien entre démocratie et laïcité :
Il faut alors citer (partiellement) Jean JAURES (discours de Castres, 30 juillet 1904)
« Démocratie et laïcité sont deux termes identiques. Qu’est-ce que la démocratie ? Royer-Collard ( ….) en a donné la définition décisive : « La démocratie n’est autre chose que l’égalité des droits. » Or il n’y a pas égalité des droits si l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce. Dans aucun des actes de la vie civile, politique ou sociale, la démocratie ne fait intervenir, légalement, la question religieuse. Elle respecte, elle assure l’entière et nécessaire liberté de toutes les consciences, de toutes les croyances, de tous les cultes, mais elle ne fait d’aucun dogme la règle et le fondement de la vie sociale. »
Laïcité et République : une religion civile ?
L’expression : « religion civile » vient de Rousseau (Dans le contrat social) : « une profession de foi purement civile dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de sociabilité, sans lesquels il est impossible d’être bon citoyen ni sujet fidèle. »
Le culte de l’être suprêmes, fortement inspiré de ROUSSEAU et voulu par Robespierre, lors de la Révolution, a montré les limites de la conception d’une religion civile étatique.
Au XIXème on parlera même de religion patriotique : par exemple Paul BERT évoquera la « subordination des droits individuels à l’appartenance civique que pose la Nation »
La République, la laïcité ne sont pas des religions mais portent des symboles.
La Marianne (Bellone ) de Rodin
Une présentation trop juridique de la laïcité masque les aspects émotionnels qui fédèrent et soudent une communauté. La citoyenneté réclame le symbole, le mythe, le rituel collectif : Marianne, le 14 juillet, la Marseillaise. La devise « Liberté, Egalité, Fraternité ». A l’école « sanctuaire » correspond la République « sacrée ». Nous pouvons aussi évoquer le culte civil des morts des dernières guerres (8 mai, 11 novembre)
Régis DEBRAY précise : « La République est une communauté d’images, de notes, de rêves et de volonté…des souvenirs partagés reconvertis en désirs et projets, vecteurs du plébiscite de chaque jour… » et Paul VALERY nous dit « Les mythes sont les âmes de nos actions et de nos amours »
« Une laïcité renouvelée passe par un renouvellement symbolique de la vie en collectivité. La laïcité se cherche un cœur (émotion, fierté, histoire) et des modèles comme valeurs d’exemple (les grands hommes de la République sont l’équivalent des saints dans l’église catholique : des symboles pédagogiques) » (Régis DEBRAY).
Cette conception de la République et de la laïcité est fortement combattue aujourd’hui, par les intégrismes religieux et les extrémismes politiques.
Pour en savoir plus :
Henri PENA-RUIZ : « Dieu et Marianne » PUF
Jean BAUBEROT : « Histoire de la laïcité en France » Que-sais-je ?
Je ne connaissais pas ce discours de Jaurès. ce lien avec la Démocratie est tout à fait positif et trop souvent oublié.
Merci de ces précisions
Merci pour cette remarque,
le discours de Castre du grand Jaurès est un témoignage essentiel de ses positions sur la laïcité, l’école et la démocratie.
A lire en entier, se trouve sur le net
JG