Nouvelles technologies et hybridation. Lectures
Quelques pistes de lecture, suite à La conférence débat de Michel BOTTARO, le mardi 15 novembre 2016.
Plusieurs ouvrages proposés ont déjà été analysés sur le site
Jean-Michel BESNIER et Laurent ALEXANDRE Les robots font-ils l’amour ? Le transhumanisme en 12 questions DUNOD (143p ; 12,90 €)
Jean-Michel BESNIER Professeur de philosophie à l’université Paris Sorbonne. Membre du conseil scientifique de l’institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST) et du MURS (Mouvement universel pour la responsabilité des scientifiques)
Laurent ALEXANDRE Chirurgien urologue et chef d’entreprise (NBIC Finances). Auteur, il écrit pour le supplément Science&Santé du Monde
- Faut-il améliorer l’espèce humaine ?
- L’humanité doit-elle changer de reproduction ?
- La technique peut-elle tout réparer ?
- Demain tous cyborg ?
- Peut-on faire l’amour avec un robot ?
- Est-il désirable de vivre 1000 ans ?
- Le transhumanisme est-il un eugénisme ?
- L’intelligence artificielle va-t-elle tuer l’homme ?
- Quels sont les enjeux économiques ?
- Faut-il légiférer ?
- Doit-on craindre un « meilleur des mondes » ?
- Jusqu’où pousser la recherche ?
Un dialogue vivant et argumenté entre deux spécialistes des dernières nouveautés sur les nouvelles technologies et le transhumanisme.
Michel BOTTARO « Le chant des sirènes ; réflexion sur l’hybridation. » Voir article sur le site dans vu lu et entendu
Si les mythologies de l’Antiquité abondent de créatures hybrides, c’est essentiellement pour marquer, dans l’imaginaire collectif, une frontière avec le surhumain ou la monstrueux. Cette frontière s’efface aujourd’hui insidieusement sous l’effet des mutations provoquées par les nouvelles technologies et cela menace l’invention capitale de la modernité : l’individu sujet.
A travers le rapport aux images, au corps ou à l’altérité se dessine une nouvelle incarnation de l’humain, une humanité hybride. Cette hybridation inaugure-t-elle un nouveau type de subjectivité, une subjectivité plurielle et émancipée ? ou au contraire annonce-t-elle une régression vers l’informe ou le chaos ?
L’HOMME NU Marc DUGAIN Christophe LABBE La dictature invisible du numérique Robert Laffont Plon 17,90 €
Voir article sur le site dans vu lu et entendu
Luc FERRY : La révolution transhumaniste. (Plon, 2016, 17,90 €)
Voir article sur le site
J’ai lu cet ouvrage qui me semble une bonne première approche pour un sujet complexe. L’auteur présente le pour et le contre du transhumanisme, mais me semble optimiste sur une régulation possible de cet emballement scientifique. Le lien avec l’économie dite collaborative est artificiel. Mais les deux sujets abordés sont passionnants. La conclusion, plus philosophique est particulièrement intéressante
HUMAIN Monique ATLAN Roger-Pol DROIT (poche Flammarion champs essais, 726 pages, 12€)
Voir article sur le site
Mon avis sur cet ouvrage
Un « pavé » de 700 pages, à consommer tranquillement, à petites doses. Ce n’est pas un pensum philosophique aride, mais un ensemble concret et explicite de présentation sur chaque question soulevée. Les auteurs dialoguent avec des personnalités originales et atypiques, très compétentes et très claires dans leurs explications comme dans leurs questionnements.
Passionnant, une « bible » pour tenter de comprendre les enjeux de ces révolutions scientifiques et techniques.
Cédric BIAGINI L’emprise numérique Comment internet et les nouvelles technologies ont colonisé nos vies
Cartable électronique, cloud, e-book, Twitter, tablette tactile, Facebook, smartphone, Big Data. Le déferlement technologique bouleverse notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes. Les nouvelles technologies donnent l’illusion de la toute-puissance : transparence, accès immédiat à une infinité de connaissances et de produits culturels, démultiplication des contacts et des échanges, accélération, etc. Multinationales du high-tech, start-ups ou hacktivistes, tous prétendent construire un monde sans conflit dans lequel les humains communieraient ensemble grâce à leurs machines magiques, affranchis de toutes contraintes et limites (temporelles, spatiales, relationnelles, corporelles), dans une société fondée sur la fluidité et l’instantanéité des échanges, organisée sur le modèle du réseau informatique : une forme de marché idéal. L’utopie libérale se réalise grâce à la révolution numérique en cours. Les nouvelles technologies recomposent le monde selon leur propre logique, celle de la performance et de l’efficacité. Elles renforcent le règne de la compétition et l’exigence d’aller toujours plus vite, de se mobiliser intégralement pour son entreprise et sur les ” réseaux sociaux “, d’être capable de s’adapter à toutes les évolutions technoculturelles, sous peine d’être exclu. L’homme numérique croit avoir trouvé l’autonomie en se débarrassant des pesanteurs du vieux monde matériel.” Enfin libre ! “, dit-il, alors qu’au contraire, il dépend de plus en plus de dispositifs technoscientifiques. Pour rester dans la course et tenter de maîtriser un réel qui lui échappe, il multiplie les machines. Mais ce sont elles qui désormais le possèdent.
Le déferlement numérique
- e-book : en finir avec le livre
- Lecture numérique : la guerre pour le contrôle de l’attention
- Ecole : l’invasion des nouvelles technologies
- Facebook : le meilleur des mondes
Les illusions numériques
- Nouvelles utopies technologiques
- Le mythe de l’e-révolution
- La liquidation du politique
- Le renouveau des théories ultra-libérales
Le capitalisme numérique
- La grande régression
- Le temps de la démesure
- La domination des machines
Mon avis
L’auteur est engagé et très critique sur la croissance dictée par l’économie ultra libérale.
Mais son ouvrage est clair, bien documenté et on apprend beaucoup en le lisant.
Derrière la gratuité apparente de l’internet se cache un énorme business dominé par les multinationales californiennes, que les états eux-mêmes ne contrôlent pas. Les fondateurs de ces multinationales prônent une philosophie à la fois anarchiste, libertaire et ultra libérale.
L’auteur nous démontre que la technologie n’est pas neutre, qu’elle dépend d’une idéologie très politique qui conduit à asservissement des individus.
Nous croyons maîtriser le monde, avoir aboli le temps et l’espace, avec notre smartphone, alors que nous sommes en fait aliénés par ces machine. Elles nous enferment dans un système, nous rendent dépendant et surveillent tous nos faits et gestes.
Devant cette destruction de l’écosystème humain, nous devons réinvestir le réel et retrouver le contact avec les autres. Il nous faut déconstruire le grand récit progressiste. L’auteur fait une distinction intéressante entre la technique, prolongement de la main de l’homme impliquant un savoir-faire lentement appris et la technologie ou l’homme ne maîtrise plus une machine devenue trop complexe, qui nous impose ses procédures. Il évoque Jacques ELLUL qui disait déjà, dans les années 1950, que la technique mène le monde, bien plus que l’économie ou la politique. A la fin de l’ouvrage il prône une contre révolution informatique, une écologie politique, vers d’autres formes d’évolution du monde. Ces choix sont discutables. Mais l’ensemble de l’ouvrage est passionnant et nous encourage à rester critique et prudent devant cette déferlante technologique.
Jean-Michel BESNIER Demain les posthumains Le futur a-t-il encore besoin de nous ?
Jean-Michel Besnier est professeur de philosophie à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV) et membre du Centre de recherche en épistémologie appliquée (le CREA, laboratoire de l’École polytechnique et unité du CNRS). Il appartient aux comités d’éthique du CNRS (le COMETS) et de l’INRA (le COMEPRA). Il est l’auteur d’une douzaine de livres, dont une Histoire de la philosophie moderne et contemporaine (Grasset, 1993; Le Livre de poche, 1998).
Quatrième de couverture
L’homme cédera-t-il la place dans un futur proche à des créatures de son invention, mi- machines, mi- organismes, posthumains issus du croisement des biotechnologies, des nanotechnologies, de l’intelligence artificielle et de la robotique ? Cette perspective est chaque jour un peu moins de la science-fiction et fait rêver les uns tandis qu’elle inquiète les autres. De fait, les spéculations sur les posthumains et l’humanité élargie, capable d’inclure autant les animaux que les robots ou les cyborgs, se déploient en rupture avec la perspective qui a longtemps été celle de Descartes : nous rendre « maîtres et possesseurs de la nature ». C’est au contraire un monde de l’imprévisible, du surgissement aléatoire qui se dessine, rendant inutile ou vaine l’initiative humaine. L’auteur propose ainsi de définir ce que serait une éthique délivrée des mythes de l’humanisme classique (l’intériorité et l’obligation morale), une éthique posthumaniste qui pourrait bien s’avérer nécessaire dans le monde d’aujourd’hui.
Mon avis : un peu difficile à lire. Très “philo” , mais riche de références l’auteur nous place devant le fait accompli et tente de définir une nouvelle éthique pour les post humains.
Eric SADIN : La silicolonisation du monde l’irrésistible expansion du libéralisme économique paru aux éditions l’Echappée
France INTER dimanche 23 octobre 2016 Le club des idées Laurence Luret
Voir article sur le site dans vu lu et entendu
Le philosophe Eric Sadin dénonce la vision du monde du tout-numérique qui contrôle insidieusement nos vies pour en tirer des profits colossaux
Eric Sadin est l’un des rares intellectuels à penser la numérisation de notre monde, voilà 10 ans maintenant qu’il interroge d’un point de vue philosophique l’impact du numérique sur nos sociétés, cette fois-ci il parle de “silicolonisation” du monde, contraction de deux mots : la Silicon Valley, lieu mythique du développement du numérique aux Etats Unis, et colonisation tant la réussite industrielle de ces produits colonise le monde selon lui.
Son dernier essai est une charge contre les Facebook, Apple et autres Amazon qui contrôlent subrepticement nos vies pour en tirer des services via les applications et générer des profits à une échelle jamais atteinte auparavant.
AUTRES LECTURES : des classiques sur ce sujet
VERCORS : Les animaux dénaturés (livre de poche)
Michel HOUELLEBECK : Les particules élémentaires (j’ai lu, 8,10€)
Marie SCHELLEY : Frankenstein (livre de poche)
STEVENSON : Dr Jekill & Mr Hyde (librio 2€)
Jacques ELLUL : Le bluf technologique (Hachette pluriel 2012, 12,70 €)
Theilard de CHARDIN : le phénomène humain (point poche, 8,20€)
Aldous HUXLEY : Island (Ile, 1963, POKET, 7,80€) ; Le meilleur des mondes (pocket, 4,70 €)
Rémy SUSSAN : Les Utopies post humaines, contreculture, cyber culture, culture du chaos (2005 ; 25 €)
Michel ONFRAY : Cosmos
Jean-Claude GUILLEBAUD : Le principe d’humanité (points essais)
Jürgen HABERMAS : La technique et la science comme idéologie (1990 ; poche tel gallimard, 10,50 €)
Jacques MONOD : le hasard et la nécessité (2014 ; points essais ; 8,30 €)
Michel FOUCAULT : Préface à la transgression, dans dits et écrits (Quarto Gallimard)
Bruno LATOUR : Nous n’avons jamais été modernes (objets hybrides, La découverte poche ; 9,90 €
Edouard KLEIMPETER : l’humain augmenté (CNRS éditions, 8 €)
Günter ANDERS : l’obsolescence de l’homme (25,40 € ; ed ivrea)
Olivier REY : Une folle solitude ; Le fantasme de l’homme auto construit (2006, Seuil 23,50 €)
Et un article passionnant d’un jeune universitaire canadien. A lire en priorité
Nicolas LE DEVEDEC, « De l’humanisme au post-humanisme : les mutations de la perfectibilité humaine », Revue du MAUSS permanente, 21 décembre 2008 [en ligne] :
http://www.journaldumauss.net/?De-l-humanisme-au-post-humanisme
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