Le meilleur des mondes Aldous HUXLEY
De temps en temps cela fait du bien de se replonger dans les grandes œuvres. Je viens de relire, cinquante ans après, ce classique de la science-fiction, dont il ne me restait que quelques images estompées.
Brave New World, est le titre original du roman Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, paru en 1932.
L’auteur, très « british » parsème son roman de citations de SHAKESPEARE.
Le titre anglais est « BRAVE NEW WORLD » en référence à la pièce « The tempest ,V, I »
« O, Wonder!
How many goodly creatures are there here!
How beauteous mankind is! O brave New World!
That has such people in’t! »
« O, merveille !
Combien de belles créatures vois-je ici réunies !
Que l’humanité est admirable !
O splendide Nouveau Monde
Qui compte de pareils habitants ! »
Aldous Huxley cite au début de son roman Nicolas Berdiaeff qui met le monde en garde contre les utopies. (Professeur à l’université de Moscou, il fonde l’Académie libre de Culture spirituelle (1919-1922) dont le succès conduit à sa fermeture, et il est expulsé de Russie en 1922 avec plusieurs autres intellectuels sur « les bateaux des philosophes ». En 1924, il transfère à Paris l’Académie de philosophie et de religion qu’il avait fondée à Berlin.)
« Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante. Comment éviter leur réalisation définitive? … Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe ouvrière rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société non utopique moins “parfaite” et plus “libre”. »
Cette citation éclaire particulièrement l’esprit du roman et reste d’une vivante actualité.
Ce roman est très fort, bien écrit, pas seulement une œuvre de réflexion, mais avec des personnages complexes et une action qui se déroule jusqu’au drame final.
Ce qui, en 1932 date de la parution de ce livre, semblait une pure utopie, apparait aujourd’hui comme techniquement possible, avec la révolution transhumaniste qui se profile. En fait ce n’est pas une utopie, mais une dystopie qui ne décrit pas un monde parfait mais une dictature mondiale dont la devise est « Communauté, Identité, Stabilité »
L’action se déroule en 632 Après Ford (A.F). La guerre de Neuf Ans en l’an 141 de « Notre Ford » entraine la destruction des livres, le conditionnement, la consommation obligatoire, les classes sociales, la destruction des monuments historiques, l’abandon de la religion et bien sûr le soma (médicament parfait et drogue euphorisante). Le passé et l’histoire ont été effacés. Depuis on apprend à tous que les hommes autrefois étaient vivipares, monogames et vivaient en famille, ce qui semble répugnant.
La société imaginée par Aldous Huxley est extrêmement structurée et planifiée de manière à éliminer autant que possible le hasard et ce afin d’organiser le plus parfait des mondes (l’idéal de perfection de ce meilleur des monde est justement ce qui le rend monstrueux)
Cette société est divisée en 5 groupes qui constituent 5 castes : Alpha, Bêta, Gamma, Delta et Epsilon. Ces castes, très inégalitaires, coexistent pacifiquement, sans aucune tension sociale, grâce à une méthode de conditionnement pendant le sommeil. Ces castes ne doivent rien au hasard, elles résultent de traitements chimiques imposés aux embryons. La reproduction est entièrement artificielle et le clonage est pratiqué systématiquement.
Le conditionnement dirige les goûts des membres de la société vers une consommation de masse au détriment de passe-temps gratuits ou bon marché. Les loisirs de groupe sont privilégiés, toute activité individuelle est suspecte : ainsi personne ne connait la solitude. Tout le monde doit consommer du soma, quotidiennement. Le soma est la drogue parfaite, sans les effets secondaires des autres drogues. Sorte d’anxiolytique, elle empêche les gens d’être malheureux. La sexualité est pratiquée, comme un jeu, dès l’enfance. Les passions amoureuses sont bannies car considérées comme une source potentielle de conflits.Chaque caste est néanmoins satisfaite de sa condition grâce au conditionnement : « chacun travaille pour tous les autres, nous ne pouvons-nous passer de personne ». Dans cette société ordonnée : « Tout le monde est heureux ».
Les deux héros du roman Bernard et Lenina veulent découvrir une réserve ou sont parqués des sauvages inaptes à ce monde parfait. A l’intérieur, vivent environ 60 000 personnes qui conservent leurs coutumes : famille, mariage, religion, etc. Ils découvrent un village indien très différent de leur monde : les indiens sentent mauvais, les ordures s’entassent, les femmes donnent le sein à leurs bébés. Pire encore, les vieux indiens sont édentés, ridés, amaigris. Ils ne gardent pas leur jeunesse intacte jusqu’à soixante ans comme dans le monde de Bernard et de Lenina.
Ils font alors la connaissance de John, un homme blanc, aux cheveux blonds et aux yeux bleus, habillé et éduqué comme un indien. Il écoute les vieillards du pueblo raconter des histoires indiennes, étranges et merveilleuses sur Jésus, Marie, le Grand Aigle. A quinze ans, il a appris à travailler la glaise, puis à façonner un arc. La mère de John, Linda, est une femme du nouveau monde, tombée accidentellement dans la réserve, qui vit et vieillit comme une indienne. Elle lui offre un vieux livre de Shakespeare, dans lequel il apprend à lire et qui est sa seule référence culturelle.
Bernard propose à John et à sa mère de le suivre à Londres. Le jeune sauvage est enthousiaste et se prend à rêver d’un monde meilleur… A Londres il s’adapte assez vite à la technologie du monde civilisé, mais refuse catégoriquement de prendre du soma. John tombe amoureux de Lenina. Mais, pour lui, un amour ne peut être consommé que dans un mariage indissoluble, notion totalement étrangère à Lenina. L’incompréhension entre eux est à son paroxysme quand Lenina commence à se déshabiller, sûre d’être désirée sexuellement par John. Le sauvage terrorisé devient comme fou, rejette violemment les étreintes de la jeune femme, la traite de « catin » et de « courtisane » (référence à Shakespeare).
Mustapha, un administrateur très puissant, mais atypique et éclairé, explique à John que seul compte la stabilité du monde : les gens sont heureux car ils sont à l’aise, ils sont en sécurité, ils ne sont jamais malades, ils n’ont pas peur de la mort, ils ignorent la passion et la vieillesse. Les castes apportent la stabilité, chaque être reste à son niveau. Et si par hasard quelque chose va de travers, il y a le soma. L’art et la science sont muselés car considérés comme dangereux pour la stabilité. La religion est devenue superflue dans cette société où l’on reste jeune et où l’on est prospère. John « le sauvage » reproche à la civilisation de se débarrasser de tout ce qui est désagréable au lieu d’apprendre à s’en accommoder. Il réclame le droit d’être malheureux, l’administrateur promet de le lui accorder….
A vous de découvrir la suite et la fin ainsi que beaucoup d’autres choses volontairement non dévoilée dans cet article.
Soyez le premier à commenter