Bonne année laïque !

Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790 au Champ-de-Mars.

C’est peu connu, mais les militants laïques ont beaucoup réfléchi aux usages sociaux et culturels des fêtes… Au travers d’organisations de cérémonies, de conférences, de revues, ils établirent un véritable programme de promotion des « Fêtes civiles », largement inspiré des grandes fêtes de la Révolution et qui avait, en partie, pour objet de laïciser les fêtes saisonnières autrefois christianisées. Une excellente revue en avait fait un objet d’études et de militantisme : les “Annales des Fêtes et Cérémonies Civiles”. Marcel Sembat, Gabriel Séailles, Paul Grunebaum-Ballin (collaborateur d’Aristide Briand), Jules Renard…y collaborèrent ; la Libre Pensée comme la Ligue de l’enseignement y étaient représentées… ; Zola, Hugo, Rousseau y furent publiés… ; l’anthropologie, les arts, les lois, l’histoire y firent l’objet d’articles… En Belgique, dans les pays scandinaves et anglo-saxons, la plupart des associations militantes laïques organisent des fêtes et des cérémonies laïques qui connaissent parfois un grand succès. En Norvège plus de 60.000 personnes sont impliquées. En Ecosse le nombre de cérémonies de mariages laïques est plus important que le nombre de mariages religieux… Au seuil de cette nouvelle année, c’est un vrai sujet de réflexion….

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Janus

Le premier janvier, fêté comme premier jour de la nouvelle année remonte à l’antiquité romaine. Rome a utilisé plusieurs calendriers: celui de son fondateur mythique, Romulus, qui ne comptait que dix mois; celui de Numa Pompilius, son deuxième roi, dans lequel apparaît le mois de Ianarius (Janvier, la lettre J n’apparaîtra qu’au Moyen Age), dédié à Janus, dieu des portes et des commencements; le calendrier de la République romaine, et enfin le calendrier julien, mis au point par l’astronome grec Sosigène sous Jules César. C’est pour l’essentiel, notre calendrier actuel, renommé grégorien après une adaptation faite à l’initiative du pape Grégoire XIII.

Mars fut longtemps le premier mois des calendriers romains. Janvier le remplaça en 153 avnt JC. Bien que les calendriers médiévaux reprenent les douze mois du calendrier julien, le début de l’année était parfois fêté à Pâques ou le 25 décembre. A partir du XVI° siècle, les pays européens adoptent tous le premier janvier comme Jour de l’An. En France, c’est le roi Charles IX qui l’établit par son Edit du Roussillon promulgué le 15 août 1564. A Rome, le premier janvier était dédié à la désse Strenia (d’où nos étrennes). L’Eglise catholique lutta longtemps contre les coutumes païennes associées à cette fête (visites, voeux, présents…). Mais elle finit par valider le premier janvier comme jour de l’An en 1622.

Un temps non fêté officiellement sous la Révolution lors de la mise en oeuvre du calendrier républicain, le 1° janvier revient en usage en 1797 et sera légalisé en 1810. Les militants laïques retiendront la symbolique de ce jour. L’éditorialiste de “L’Action”, un des journeaux les plus anticléricaux de la Belle époque, se fait poète pour écrire le 1° janvier 1907 “Une année de plus fuit et s’efface dans la nuit du temps. L’éternité retourne son sablier et recommence à égrener, avec une volonté inflexible, ses heures et ses jours“.

Le premier janvier est un moment de réflexion et une occasion de présenter des voeux à ses proches. Gustave Flaubert écrit ainsi avec humour à la princesse Mathilde “J’ai coutume tous les ans, pendant la nuit de la Saint Sylvestre, de me recueillir comme les dévots qui font leur examen de conscience, et de résumer mon année comme les négociants font leur inventaire“, mais il doute de la valeur des souhaits auprès de son amie Georges Sand. Celle-ci le convainc en deux phrases affectueuses “Non, ce n’est pas bête de s’embrasser au jour de l’an, au contraire, c’est bon et gentil. Je te remercie d’y avoir pensé et je t’embrasse sur tes beaux gros yeux“. On ne saurait mieux dire…

Charles Conte Condorcet Paris

Sources:

Paul Couderc Le calendrier. Que sais-je ? PUF

Jacqueline Lalouette. Jours de fête. Jours fériés et fêtes légales dans la France contemporaine. Editions Tallandier.

Tout au long de l’Année laïque:

Les militants laïques ont beaucoup réfléchi aux usages sociaux et culturels des fêtes. Le mouvement laïque s’investi actuellement dans une journée associative: le 9 décembre, jour anniversaire de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de décembre 1905. L’édition “Laïcité” fait écho à cette réflexion culturelle avec des billets consacrés au Jour de Darwin (né le 12 février), à Pâques ou plutôt aux banquets du vendredi-dit-saint, au Premier mai (détaillé sur le blog du Cercle Condorcet d’Eure-et-Loir), au 14 juillet, à la Toussaint, au 11 novembre (à l’histoire et aux mémoires) et à Noël