Philippe Meirieu infatigable pédagogue répond à la fois à ses détracteurs dont il est la cible préférée (voir l’article d’E Zemmour qui le qualifie de Caliméro Figaro du 27/09 ou celui de Sébastien Le Fol du Point qui le traite de Sectaire et lui décerne le prix de la pensée au formol), quelle honte pour ces plumitifs. Il faut lire aussi sa vision très précise de la situation actuelle de l’école dans notre pays. Il ne se limite pas là, car comme toujours à son habitude son travail est sourcé, ses analyses sont justifiées et ses propositions argumentées.
Bien sûr, en creux on trouve une critique de la politique de J.M.Blanquer qui se contente d’occuper le terrain avec des signaux envoyés vers l’opinion public, dictée, retour à la semaine de 4 jours, uniforme, portables, devoirs,….. qui ne correspondent pas vraiment aux besoins du terrain. On peut encore observer le fonctionnement du CSP (Conseil Supérieur des Programmes) pour apprécier la cohérence de cette politique qui est conduite sans objectifs clairs. Il s’agit bien là d’un « populisme éducatif ».
Dans cette première partie de son ouvrage il se place sur une crête pour se dissocier des 2 courants qui ravagent notre école, « la nostalgie autoritariste et le spontanéisme naïf », les antipédagos et les hyperpédagos ! Il revient sur ce débat bien ancien entre l’école traditionnelle et la pédagogie nouvelle. Déjà en 1880 Jules Ferry faisait l’éloge « des méthodes nouvelles qui se répandent et triomphent, ces méthodes qui consiste non pas à dicter les règles à un enfant mais à la lui faire trouver pour éveiller sa spontanéité. » Il reprend toutes les critiques qui lui sont adressées, la construction des savoirs chez l’élève, les limites des apprentissages des groupes autonomes, Il reprend bien sûr les accusations qui lui sont portées dans le Point de septembre 2016 « Ils ont tué l’école ! » Violentes critiques contre lui et la réforme du collège menée par Najat Vallaud-Belkacem. Il détaille des aspects historiques peu connus tel le débat entre l’école « unique » et l’école « parfaite ou nouvelle ». Il constate la crise de confiance sans précédent des citoyens vis-à-vis des grandes institutions et de l’école en particulier qui les conduit vers du consumérisme scolaire vers les écoles « alternatives ! »
Au bout de cette crête il nous propose dans la seconde partie de son ouvrage sa voie pour l’école de demain, une école qui pourrait être jacobine dans ses finalités et girondine dans se modalités. Il réclame une « autonomie démocratique des établissements » en opposition à une « autonomie libérale ». Il affirme qu’il y a toujours de la pédagogie dans la transmission, cette pédagogie renvoie toujours à une doctrine. Pour lui ce qui complique les choses c’est qu’on éduque toujours « à quelque chose » en s’appuyant sur des connaissances, dans des institutions et avec des techniques pour conduire ce projet d’apprentissage. On ne peut se limiter à une finalité et des pratiques ! La question du groupe et de ses inter-actions est importante. Tout comme celle de l’apport des sciences dans les pratiques pédagogiques, qui est à prendre en compte avec précaution, les conditions d’une observation en laboratoire ne sont pas celles d’une classe. Il développe la question des neurosciences qui se transforment en neuropédagogie. « Comment passer de la connaissance objective de mécanisme « naturels » à la prescription systématiques de bons outils pour enseigner et apprendre. Evacuée la question des finalités au profit d’un scientisme sommaire ! » Il n’est pas question de nier ou de sous-estimer l’apport des connaissances grâce à l’imagerie cérébrale. Elles ont démontré la plasticité du cerveau confirmant le postulat d’éducabilité. La question des finalités éducatives reste prépondérante, elles sont souvent éludées et on se focalise sur le changement de moyens, sur les dispositifs. Sur la question de la lutte contre l’échec scolaire, « Nos difficultés ne sont que le revers de nos ambitions et un moyen précieux pour inventer des solutions permettant d’atteindre ces dernières. ». Il nous invite à faite de l’école un espace de décélération, une institution dont « le temps propre » est celui de la « pensée ». Il faut résister à la formidable machinerie médiatique du caprice mondialisé et lui opposer les plaisirs d’apprendre et la joie de comprendre. Il détaille la nécessité d’une formation à l’attention des élèves. La question du collectif pour la formation du citoyen est importante aussi, apprendre à se respecter, à travailler ensemble, à faire société. Lutter contre la multiplication des dispositifs d’externalisations et la transformation des problèmes scolaires en problèmes médicaux. Enfin il revendique une réflexion pédagogique qui n’écarte pas la question des finalités et des valeurs au nom d’ une « efficacité ».
Assurément un article bien intéressant pour comprendre les débats politisés et stériles sur les pratiques pédagogiques, mais aussi les recadrages proposés par le ministère de l’éducation nationale.
Pour les passionnés, les curieux, ceux qui se posent des questions sur la formations de nos jeunes.
A LIRE ABSOLUMENT
JG