EN SCÈNE CITOYEN !
Le jeu démocratique nécessite un citoyen actif.
Interview de Myriam Revault d’Allonnes, auteur de « Le Miroir et la scène » (Résumé d’un article paru dans TELERAMA du 07/09/16)
A lire pour préparer notre débat : “Agir en citoyen, ensemble, on fait quoi” du mercredi 21 septembre 2016
Myriam REVAULT d’ALLONNES est professeur à l’Ecole pratique des hautes études et chercheuse associée au CEVIPOF. Ouvrages : Ce que l’homme fait à l’homme, essais sur le mal politique (Seuil 1995). La crise sans fin, essais l’expérience moderne du temps (Seuil 2012)
Chercher une adéquation entre les citoyens et leurs représentants est un leurre.
Il n’y a jamais de représentation parfaite. Pour PLATON, la représentation est l’imitation d’un modèle idéal. Pour ARISTOTE elle est théâtrale, elle invente, elle crée, elle met en acte.
Les « crises récurrentes de la représentation » démontrent l’impossibilité entre le modèle (le peuple) et la copie (le représentant). Le problème pour le citoyen n’est pas d’être fidèlement représenté, mais d’être un acteur de la démocratie.
Une assemblée peut-elle être représentative ?
Nous déplorons d’être mal représentés. Mais les représentants doivent-ils être le reflet exact des représentés ? Cela suppose une communauté politique homogène. Or c’est la représentation politique qui fonde l’être en commun.
Peuple et représentation.
Pour HOBBES et ROUSSEAU, le peuple se constitue dans l’acte même de la représentation. Avant le contrat, avant le pacte représentatif, le peuple n’existe pas. Le peuple est une fiction. Les populismes se basent sur un malentendu : le peuple comme entité pure, fondamentalement bon. Le peuple n’existe pas sans sa représentation.
La représentation fait lien en séparant.
Les systèmes totalitaires exigent une communauté fusionnelle, sans divisions, sans différences. Alors que la démocratie moderne admet que la société est divisée et que le conflit en fait partie. C’est dans le dépassement des conflits inévitables que se joue la représentation démocratique.
Trop de divisions, trop d’identités multiples : un péril pour le système représentatif ?
Non car la représentation n’est pas le miroir de la société. L’ampleur de l’abstention pose la question : comment les individus peuvent-ils se représenter au-delà de la simple participation aux élections ?
Vouloir être représenté est la forme passive de la citoyenneté.
On va voter et puis plus rien. Nous déplorons que nos élus ne fassent pas bien le travail que nous souhaitons qu’ils fassent à notre place. La demande de représentation cache en fait une demande de reconnaissance. On n’est jamais reconnu comme on le voudrait. Les institutions politiques ne sont pas là pour nous reconnaître.
Substituer à la représentation des identités une représentation des capacités.
Chacun doit sortir du modèle de citoyen passif et réfléchir à la manière de se représenter soi-même comme citoyen. Au-delà de l’identité (homme, femme, …) aller vers ce que nous sommes capable de faire.
Concrètement, par exemple, les comités de quartier, la démocratie délibérative ou participative peuvent compléter et enrichir la représentation issue des urnes. C’est la dynamique des mouvements féministes, homosexuels et environnementaux qui ont fait évoluer les lois dans ces domaines. Une démocratie « narrative » (selon ROSENVALLON) peut aussi s’enrichir par la parole et les croisements de témoignages dans les échanges sur le terrain. La dynamique démocratique est intrinsèquement fragile. Mais il faut admettre que la politique est impure et qu’il ne faut pas la confondre avec la morale. Mais il faut croire au réalisme de l’action. La démocratie est une expérience, ce n’est pas un système abstrait, formel, c’est quelque chose que l’on vit, que l’on éprouve, dans l’action et le travail.
Article de Jacques GAUCHER
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