« Le cercle » Dave Eggers
Gallimard Du monde entier, 500p, 25 euros
Dave Eggers, né le 12 mars 1970 à Boston dans le Massachusetts, est un écrivain américain. Il est aussi fondateur du magazine littéraire The Believer, de Might Magazine, et de la maison édition McSweeney’s.
Présentation du roman par l’éditeur
Quand Mae Holland est embauchée par le Cercle, elle n’en revient pas.
Installé sur un campus californien, ce fournisseur d’accès Internet relie les mails personnels, les réseaux sociaux, les achats des consommateurs et les transactions bancaires à un système d’exploitation universel, à l’origine d’une nouvelle ère hyper-numérique, prônant la civilité et la transparence.
Alors que la jeune femme parcourt les open-spaces, les immenses cafétérias en verre, les dortoirs confortables pour ceux qui restent travailler le soir, la modernité des lieux et l’intense activité la ravissent. On fait la fête toute la nuit, des musiciens célèbres jouent sur la pelouse, des activités sportives, des clubs et des brunchs sont proposés, et il y a même un aquarium contenant des poissons rares rapportés par le P.-D.G.
Mae n’en croit pas sa chance de travailler pour l’entreprise la plus influente qui soit – même si le campus l’absorbe entièrement, l’éloignant de plus en plus de ses proches, même si elle s’expose aux yeux du monde en participant au dernier projet du Cercle, d’une avancée technologique aussi considérable qu’inquiétante.
Ce qui ressemble d’abord au portrait d’une femme ambitieuse et idéaliste devient rapidement un roman au suspense haletant, qui étudie les liens troubles entre mémoire et histoire, vie privée et addiction aux réseaux sociaux, et interroge les limites de la connaissance humaine.
De quoi parle le roman?
Extrait d’une critique de kantutita
publiée sur le blog Birds & Bicycles,
avec son aimable autorisation
http://www.birdsandbicycles.fr
Attention, ce résumé dévoile les grandes lignes de l’intrigue, soyez-en avertis! Par contre la fin du roman n’est pas dévoilée
Le jour où la jeune Mae Holland est engagée chez « The Circle » grâce au pistonnage d’une amie, elle est consciente de sa chance. L’énorme entreprise de technologie réunit les esprits les plus brillants de sa génération. Elle conçoit de nouveaux outils numériques et invente mois après mois des concepts passionnants pour révolutionner les usages d’internet, et à travers eux toute la société.
Mae fait ses premiers pas au service client, tout en bas de l’échelle. L’expérience est néanmoins enrichissante. Le managing semble axé sur le positivisme et les bureaux se trouvent sur un immense campus près de San Francisco, avec de nombreux privilèges: salles de sports, cantines, soirées, cadeaux…
Or en pénétrant dans le Cercle, cette entreprise idyllique de l’extérieur, le lecteur entrevoit les rouages de son fonctionnement. The Circle apparaît comme un vampire… Les chefs de Mae lui reprochent de ne pas assez sociabiliser avec ses collègues lors des apéros qui ont lieu tous les soirs. Où était-elle ce week-end? Dans sa famille? Mais pourquoi ne pas être restée sur le campus pour profiter des concerts et fêtes organisées? De chantage affectif en chantage affectif, Mae culpabilise et commence à se couper de l’extérieur. Bien vite, sa vie ne tourne plus qu’autour de son boulot.
Y’a-t-il une vie en dehors de l’entreprise? Pas selon la définition de The Circle. Mae tombe dans le panneau et fait tout son possible pour contenter ses chefs et faire partie de ces happy fews qui travaillent au coeur des révolutions numériques de demain.
En plus, quelle aubaine, il y a des chambres très confortables – et gratuites – à la disposition des employés qui travaillent tard et préféreraient passer la nuit sur place.
« SHARING IS CARING »
Or malgré son implication soutenue, Mae se voit reprocher autre chose. Elle n’utilise pas suffisamment le réseau social de l’entreprise. Documenter sa vie et ses idées, cela fait partie de ses devoirs en tant qu’employée de The Circle.
Partager sur le réseau, c’est montrer aux autres qu’ils comptent, c’est faire preuve de générosité. Le slogan de l’entreprise « Sharing is caring » résume cette idée. Mae passe alors un temps fou à sociabiliser avec d’autres humains via le super-Facebook de cette époque future mais pas si lointaine. Il n’est pas très différent du nôtre, avec des profils vérifiés comme sur Google+Voilà ce qui rend le livre flippant, c’est que le scénario pourrait se réaliser dans 5 ans. Pire. En fait, il a déjà commencé !
Des échanges qui semblent sans consistance, mais qui lui permettent de gagner des points dans le classement des Circlers les plus actifs. Les employés les plus zélés ont en effet un statut spécial et envié au sein de la société de high-tech.
Peu à peu, à force de bonne volonté et de geekage acharné, Mae deviendra ainsi une figure de The Circle. Et ses nuits seront de plus en plus courtes.
Quant à ses excursions à l’extérieur du campus… Elles se font de plus en plus rares.
Et puis, un jour, il y a le drame….
« HIDING IS STEALING »
Une des idées développées par la super-boîte multimédia, c’est qu’en observant les gens en tout temps, grâce à des caméras, on les encourage à se comporter de la meilleure façon possible.
Si vous saviez que vous étiez potentiellement filmés tout le temps, comment vous comporteriez-vous? De manière exemplaire, bien sûr. « Donc si on installe des caméras partout, on éradiquera certains mauvais comportements, » est l’argument du Circle.
Des micro-caméras fabriquées par la boîte sont ainsi déposées par des sympathisants en différents points du globe. Un site internet permet à n’importe qui de découvrir des vues live de différents endroits du monde. Certains acceptent même d’en porter sur eux lors d’expériences particulières. C’est merveilleux! Un jeune paraplégique peut ainsi avoir l’impression d’escalader l’Himalaya par écran interposé.
Un mystérieux jeune homme apparu des caves du campus tente de la convaincre de ne pas se laisser happer par le système. De faire marche arrière. Surtout que la prochaine étape imaginée par The Circle est inquiétante… Arrivera-t-il à lui faire prendre conscience qu’elle se perd et risque de perdre toute la société en cautionnant certaines pratiques?…..
L’avis de Kantutita
J’ai dévoré ce roman avec anxiété. Ce techno-thriller est tellement ancré dans notre réalité ultra-connectée, que le scénario apparaît comme extrêmement plausible. L’auteur lui-même avoue avoir imaginé des innovations technologiques pour sa fiction, qui ont par la suite été réellement inventées avant la parution du roman.
Dans le livre, Dave Eggers part de la possibilité que les géants du multimédia – Google, Apple, Facebook, etc, deviennent une seule entreprise, super puissante. Deux aspects m’ont alarmé: la revendication de The Circle de devoir tout savoir sur les gens, en glanant des infos sur internet et de vieilles vidéos de surveillance, grâce à la reconnaissance faciale. De quoi vous donner la chair de poule à chaque fois que vous envoyez un message sur Facebook! Le côté vain des échanges internet qui font passer des nuits blanches à Mae, l’impression de vide de sa vie alors qu’elle se considère comme une privilégiée super maligne font aussi réfléchir.
L’autre aspect qui m’a fait frissonner, c’est le managing à la cool, avec une pression folle pour passer son temps libre au sein du campus – pourquoi le quitter, vu que c’est le paradis sur terre? – plutôt que de retourner dans la vraie vie. Tout le monde est jeune, tout le monde sourit, tout le monde a l’air de vraiment vouloir vous aider et on s’appelle par son prénom. Comme à l’Apple Store.) En tout cas la dernière fois que j’y suis allée, l’ambiance m’a fait repenser à mon livre. L’angoisse!
« Big brother » a remplacé sa moustache par un sourire et un t-shirt cool, et prétend seulement vouloir vous aider et améliorer votre quotidien… Comment lui dire non? Et finalement, j’ai apprécié le choix de l’auteur de laisser le lecteur seul juge, en mettant en scène un personnage principal qui embrasse le système avec enthousiasme, sans se poser de questions.
Bref, ce roman captivant a changé ma vision du web, et je vous le conseille chaudement.
voilà qui donne envie en effet, je me le réserve pour cet été !